Horizonde

C'est quoi, c'est qui ???

Nicolas Aussel


Passionné par le monde du cheval depuis mon adolescence, j'ai suivi des études professionnelles, pour devenir enseignant d’équitation.

Je suis arrivé au didgeridoo, ou plutôt le didgeridoo est arrivé à moi fin 2011 un peu par hasard. C'est un instrument qui m'a tout de suite parlé : les sensations, les vibrations et la richesse de cet instrument ont réveillé quelque chose au fond de moi.

Depuis mon plus jeune âge j'apprécie les travaux manuels et j’aime le travail du bois. C'est donc tout naturellement que je me suis intéressé à la fabrication de ces instruments et très rapidement, quelques semaines après cette fabuleuse découverte, j’ai commencé à fabriquer des didgeridoos, tout en suivant la formation de moniteur d'équitation.

C'est en autodidacte que je pratique cette activité de création, avec le soucis constant d'affiner mes techniques et d’améliorer la qualité des instruments, ce qui fait réfléchir mes mains pour le plaisir des oreilles !

Aujourd'hui j'essaie, tant bien que mal, de faire cohabiter ces deux passions prenantes (moniteur d'équitation & fabricant de didgeridoo), qui m'offrent un équilibre et une richesse de vie.

nico1nico4

Le Didgeridoo


Originaire du nord de l’Australie, le didgeridoo était joué par les aborigènes depuis des millénaires (entre 20 et 40 mille ans, voir plus selon les sources). A la base ce sont les termites qui creusent et vident l'intérieur de branches ou de troncs d’eucalyptus encore vivant, car le bois y est plus tendre et la chaleur moins forte.

C'est un instrument de musique à vent qui fait partie de la famille des cuivres, bien qu'il soit principalement fabriqué en bois.

Traditionnellement cet instrument, au cœur de la culture aborigène, s'utilise accompagné de chants, claves et de danse lors de cérémonies..

L’arrivée du didgeridoo dans le monde occidental il y a quelques décennies en a donné une nouvelle approche : il a beau être un des plus vieux instruments du monde, il nous surprend  à évoluer encore, que se soit dans le jeu ou la fabrication. Il enrichit différentes cultures, qui s’approprient et explorent l'instrument pour donner vie à des styles de jeux différents.

En France nous avons beaucoup de Beat-box-didg, avec des joueurs comme KELU ou ZALEM... En Europe de l'Est des jeux très rapides et percussif avec DUBRAVKO LAPAIN ou ONDŘEJ SMEYKAL. Aux Etats-Unis il y a le multi-drone avec WILLIAM THOREN et DAN FLYNN.  Je n’oublie pas l’Australie avec MARK ATKINS, BRUCE ROGERS… et la liste est sûrement encore très longue.

La fabrication a elle aussi évolué, que se soit par les matériaux utilisés (bois, plastique, fibre de verre, fibre de carbone, métaux…) ou par les techniques de fabrication.

La méthode la plus utilisée est le «sandidg». Il y en a qui percent le bois de part et d'autre avec tout un système de longs forets. Certains utilisent le tour à bois. D'autres fabriquent des didgeridoos avec des assemblages de bois pour obtenir des instruments plus compacts... Les méthodes sont très variées.

Certains fabricants associent différentes matières dans la conception des instruments et créent ainsi des instruments d'un nouveau genre. Par exemple des didgeridoos à coulisse ou alors des didgeridoos démontables avec une ou plusieurs rallonges, et d'autres belles innovations sont sûrement à venir.

En résumé on peut dire que le didgeridoo est un instrument extrêmement riche, et ce n'est qu'un simple tuyau dans lequel on souffle.

La Conception

La matière première


La fabrication d'un didgeridoo commence par la récupération de bois (branche, tronc). La majeure partie du bois que j'utilise provient des alentours de mon atelier, il m'arrive aussi de récupérer du bois lors de mes déplacements (Mayenne, Pyrénées Orientales…). Je travaille essentiellement avec des essences de bois qui poussent en France.

Il me semble important de privilégier du bois déjà mort, c'est donc la base de mes recherches de matière première : se serait  dommage de sacrifier un arbre ou une branche vivante ou de le mutiler pour en faire un didgeridoo.

Je travaille aussi beaucoup avec du bois de récupération, ce qui me donne l’opportunité d'utiliser des essences de bois qui ne poussent pas dans ma région : je glane chez des artisans des chutes de bois destinées à être brûlées ou jetées car ne les intéressant plus. Il m'arrive donc d'utiliser des essences de bois exotique (sipo, iroko, wenbé…).

La forme naturelle du bois, l’essence, la taille, la qualité et le caractère naturel du bois font partie des critères que je prends en compte pour sélectionner les futurs instruments.

J'utilise principalement de l'eucalyptus, des fruitiers, du peuplier, du bois flotté, du robinier… mais toujours à la recherche d'essences locales plus rares comme l'if, le cormier, l'alisier... Le bois est une matière noble que j'aime énormément.

J’essaie le plus possible de stocker les futurs instruments au sec en attendant de pouvoir les travailler. Je n’utilise que des bois qui ont une hydrométrie faible, pour éviter que le bois ne « travaille » trop par la suite.

Le séchage a une grande importance pour l'évolution de la matière. J’essaie de laisser sécher une bonne année minimum les petites branches mortes et plusieurs années les grosses branches ou troncs. Les essences de bois durs demandent un séchage plus long que les bois dits légers.

h8 h6 h7

La fabrication


Il existe plusieurs méthodes de fabrication, voici en quelques lignes les étapes que j’effectue lorsque je fabrique un instrument.

Pour commencer il y a la mise en forme qui consiste à affiner le bois, je ne garde que la partie désirée, de façon à approcher de l'aspect final de l'instrument.

Ensuite vient la délicate étape de la coupe : à l'aide d'une scie à ruban on ouvre le bois en deux parties dans la longueur.

L'étape suivante, l'évidage, permet de créer la colonne d'air qui donnera les caractéristiques sonores de l’instrument une fois les deux parties assemblées.

Une fois l'évidage terminé, j’applique une protection sur le bois (résine), je colle les deux parties et je laisse sécher.

(On appelle cette méthode «sandidg» elle permet de travailler la colonne d'air comme on le souhaite.)

Pour terminer l’instrument il ne reste plus que l’accordage, (qui consiste à raccourcir ou rallonger l'instrument, pour obtenir la note désirée), la finition avec de l'huile de coude et du bon papier de verre, pour terminer avec le vernis extérieur.

h1 h2 h3 h4 h5

Les embouchures


L'embouchure de l’instrument joue un rôle important dans le jeu. Une bonne partie des didgeridoos en possède une en cire d'abeille, qui s’abîme, se salit et se déforme avec le temps.

C'est pourquoi j'ai choisi de faire des embouchures en bois sur mes instruments. Plus faciles d’entretien, confortables, elles permettent de garder les repères de jeu (car elles ne se déforment pas) elles rajoutent également du caractère à l'instrument.

J’essaie d’adapter au mieux les embouchures sur chaque didgeridoo, qui ne vont pas tous demander la même embouchure.

En moyenne le diamètre intérieur d'une embouchure tourne autour de 30 millimètres. Chaque joueur a des préférences en fonction de son physique, ou des styles de jeu qu’il veut adopter.

embouchure2 embouchure3 embouchure4 embouchure1 embouchure5

Le son


Les caractéristiques sonores du didgeridoo vont être un des critères principaux dans le choix d'un instrument.

Le son d'un didgeridoo fait entrer en compte beaucoup de facteurs différents :

  • la colonne d'air (cylindrique, conique, fine, large...)
  • le profil (lisse, rugueux, avec ou sans relief…)
  • le vernis utilisé (s’il y en a)
  • la forme du didgeridoo
  • l’essence du bois et l’épaisseur des parois
  • l’hydrométrie et la chaleur ambiante
  • et bien évidement le joueur.

C'est un équilibre subtil à trouver lorsque qu'on cherche à créer un didgeridoo.

Trouver l'équilibre, entre les harmoniques, la résonnance, les vocalises et la basse de l'instrument, demande du temps lors de la création de la colonne d'air. Les choix pris à ce moment seront capitaux.

Je recherche à créer des instruments polyvalents et équilibrés, de façon à obtenir des instruments riches, qui nous donnent du plaisir à les faire sonner.

L'esthétique


Utiliser des branches amène certaines contraintes de travail, principalement par la forme, rarement droite. Je m'efforce toujours de faire ressortir la beauté naturelle du bois en valorisant le veinage, la forme, les nœuds, l’écorce, les fissures ou champignons.

J'aime beaucoup utiliser d'autres matières que le bois sur les instruments : quand le didgeridoo s'y prête il m'arrive d'y incruster des pierres (précieuses ou non), du cuir, des métaux…

Cela me permet de créer des instruments vraiment uniques et atypiques pour le plaisir de yeux et des oreilles.

Il m’arrive aussi de travailler avec un artiste peintre Emmanuel Pasquet, alias PEC, qui crée ses œuvres principalement avec du bois flotté. Cette collaboration, loin d’être une déviance, embellit l'instrument en le transformant en œuvre d’art par les motifs qu’il y peint.

cuir pierres pec1 pec2 pec3

Les innovations


 Au fil du temps je me suis demandé comment faire pour pouvoir utiliser certains bois qui d'ordinaire n'auraient pas pu servir à faire des didgeridoos. Après longue réflexion et beaucoup de recherche, j'ai trouvé des raccords en inox qui m'ont permis de créer le D&B (Didgeridoo and Bagues).

Utiliser ces raccords offre une quantité de possibilités extraordinaire, notamment pour faciliter le transport de l'instrument.

Il est possible de fabriquer différentes rallonges pour obtenir un didgeridoo avec plusieurs notes.

Il est aussi possible d’inter-changer les rallonges entre D&B pour découvrir de nouveaux didgeridoos, le mélange est surprenant et intéressant.

bagues1 bagues2 bagues3

Les déchets de fabrication


Me rendant vite compte que mon activité générait pas mal de déchets, j’ai cherché à valoriser toute cette matière :

  • Les copeaux sont réutilisés en paillage ou en litière pour animaux.
  • La sciure me sert pour combler certaines grosses fissures et pour faire de la pâte à bois.
  • Les chutes de découpe sont réutilisées pour les embouchures, mais aussi pour créer des petits objets comme des bijoux ou des porte-encens…

Ce fonctionnement m’a permis de réduire fortement la quantité de déchets liés à la fabrication des didgeridoos, ce qui me semblait indispensable pour la cohérence de ma démarche dans la proximité et le respect de la nature.